11 septembre 2007

La leçon en trois temps : le temps de l'adulte

Cette troisième étape m'a été présenté en formation comme celle de l'adulte et à ce titre parfaitement facultative. S'il est vrai que cette étape me rassure et que je la présente toujours, je suis assez d'accord avec cette analyse.
On reprend toutes les étapes de la deuxième partie (à ce stade, on peut ne pas avoir à reprendre la première partie).
On reprend dans l'ordre les étapes précédentes :

Tu me montres rouge?
Tu me montres bleu?
Tu me montres jaune?
Puis on pose les questions dans le désordre.
Puis on déplace les objets et on pose les questions dans l'ordre puis éventuellement après que l'enfant ait pratiqué, dans le désordre.

Puis on pointe un à un les objets du doigt et on demande à l'enfant de les nommer.
Concrètement, je pointe un par un les trois objets en demandant :
Qu'est ce que c'est?

Il faut bien avoir à l'esprit que si l'enfant se trompe, c'est de notre faute, on a pris le risque du troisième temps trop tôt. On ne doit pas poser de question quand on n'est pas sur que l'enfant est en capacité de donner la réponse.

Si l'enfant prononce mal, on ne le reprend pas, on dit oui et on prononce correctement le mot.
Concrètement : l'enfant dit par exemple "zaune"
"Oui, c'est jaune", sans insister sur le j. L'enfant est capable de comprendre que oui, c'est bien ce mot là et que l'adulte le prononce différemment. Quand il en sera capable, il corrigera sa prononciation de lui même.

Cette étape est aussi, pour moi, l'étape sociale de cette leçon. Par la capacité à mettre un mot sur quelque chose, l'enfant est entré dans le langage. Tout petit, le premier mot qu'il a prononcé, a suscité quelque chose de profond en nous : mon enfant est capable de nommer, il communique par ce langage qu'il absorbe en notre présence depuis toujours.
Par la capacité à apprendre des mots, non pas spontanément, mais parce qu'on les lui enseigne, l'enfant nous montre aussi qu'il est capable d'apprendre non plus uniquement par absorption presque "passive", mais aussi parce qu'il l'a décidé. L'enfant quand il nomme les objets lors de la leçon en trois temps, montre une dimension profondément sociale, il y a une double reconnaissance de cette dimension, par l'adulte qui décide de donner le langage à l'enfant, par l'enfant qui décide de l'accepter. Bon, je suis encore partie dans des considérations philosophiques. ;-)
Quelque chose me dit que ce n'est pas la dernière fois.

La leçon en trois temps, dans le vif du sujet.

La leçon en trois temps va être l'outil de l'éducateur au moins jusqu'à l'entrée dans la lecture. Il va permettre à l'enfant d'acquérir tout un vocabulaire et de rentrer pleinement dans le langage par la maitrise d'un lexique allant du langage courant, quotidien à un niveau de langue très spécifique et précis.

Dans la leçon en trois temps, à de très rares exceptions près, il y a trois parties, les trois temps et aussi trois items, trois choses que l'enfant va apprendre à nommer.

Le premier temps est celui où l'on nomme; à quelque chose de sensoriel, du domaine de la perception, on associe un mot.
Concrètement, si on fait la leçon en trois temps avec la première boite de couleurs (on peut profiter d'un moment ou l'enfant vient de travailler avec ses plaquettes), on va positionner les trois plaquettes sur la table une à une, attirer l'attention de l'enfant en les posant (Regarde...) et les nommer une à une (en les posant, de gauche à droite):
C'est rouge
C'est bleu
C'est jaune
Puis on répète plusieurs fois en pointant chaque plaquette, de gauche à droite. La répétition est nécessaire pour donner à l'enfant le temps d'être imprégné de ce nouveau vocabulaire. Puis on range le matériel.
On va ainsi nommer les trois objets au moins sur une séance, puis on pourra passer au deuxième temps.

Le deuxième temps est celui de la reconnaissance : on met l'enfant en capacité de reconnaitre un objet parmi les trois qui lui sont proposés.
Concrètement, on reprend le premier temps :

C'est rouge
C'est bleu
C'est jaune
En pointant l'objet, puis on va lui demander :
Tu me montres rouge?
Tu me montres bleu?
Tu me montres jaune?

Ma petite réussit mieux quand je lui demande "Tu me donnes bleu", plutôt que "Tu me montres".

On restera encore quelques séances sur cette première étape. Quand l'enfant sera à l'aise et pointera rapidement les trois items sans erreur, on pourra passer à la deuxième étape de ce temps.

La deuxième étape du deuxième temps
On reprends le premier temps et la première étape du deuxième temps :

C'est rouge
C'est bleu
C'est jaune
Puis
Tu me montres rouge?
Tu me montres bleu?
Tu me montres jaune?

Puis on prévient l'enfant : attention, je vais te demander dans le désordre et on demande dans le désordre (sans changer, bien sur, l'ordre des objets sur la table) par exemple :
Tu me montres jaune?
Tu me montres rouge?
Tu me montres bleu?
On varie l'ordre des questions, puis quand l'enfant est à l'aise (sur une autre séance), on passe à la troisième partie de ce deuxième temps:

La troisième étape du deuxième temps
On reprend dans l'ordre les étapes précédentes :
C'est rouge
C'est bleu
C'est jaune
Puis
Tu me montres rouge?
Tu me montres bleu?
Tu me montres jaune?
Puis on pose les questions dans le désordre.

Puis on prévient l'enfant qu'on va mélanger les objets et on déplace lentement sous ses yeux les trois objets pour les mettre dans un ordre différent. On lui demande alors de nous monter les objets dans l'ordre de gauche à droite, on ne va pas rajouter un difficulté en demandant d'emblée dans le désordre, d'autant que cette étape qui parait vraiment inutile est difficile, voire impossible à réussir pour certains enfants.
Concrètement, je déplace les trois objets puis je demande (dans l'ordre)
Tu me montres bleu?
Tu me montres rouge?
Tu me montres jaune?

Si l'enfant fait une erreur pendant le deuxième temps, par exemple s'il montre rouge quand on demande bleu, on va dire, en montrant le rouge qu'il nous propose :
"OUI, rouge", et en montrant bleu : "Bleu. Tu me montres bleu?".
L'enfant ne va pas se tromper et montrer la plaque qu'on vient de nommer, on finit ainsi en beauté sur une réussite de l'enfant et on range.

10 septembre 2007

La fameuse leçon en trois temps, entrée en matière.

Avant de faire mes stages, j'avais entendu parler de la leçon en trois temps, c'était un peu le symbole de la pédagogie Montessori. J'avais pas mal lu sur le sujet et suivant les ouvrages, c'était d'une monstrueuse simplicité, ou tout au contraire tellement compliqué que je voyais mal comment le enfants pouvaient s'en sortir.
Ce qui est sur, c'est que je n'avais absolument pas compris à quoi elle servait. Voilà ce que j'en ai compris aujourd'hui et comment je la pratique.
La leçon en trois temps est donc, pour moi, une manière logique et progressive de faire entrer l'enfant dans le langage. Plus philosophiquement en entrant dans la communication, l'enfant entre dans la société, avec un ensemble de codes dont le plus important est le langage, la leçon en trois temps m'apparait donc aussi comme un outil de socialisation ( pour moi toujours, pas besoin d'être confronté aux autres et donc à la collectivisation pour se socialiser, ça peut avoir lieu en famille, entre la maman et l'enfant). Pardonnez cette incursion philosophique très personnelle, la leçon en trois temps donc.
Quand l'enfant, après avoir pratiqué beaucoup d'activités de vie pratique qui vont tout à la fois rythmer son existence et lui donner des clés pour sa construction personnelle, va aborder la vie sensorielle, il va être confronté au problème du langage, du vocabulaire. Il a pu traverser la vie sensorielle sans avoir besoin de nommer les choses, les objets dont il se servait. Quand il a eut besoin de nommer un objet, ou quand il a eut la curiosité de savoir comment le nommer, il n'a pas eut à mémoriser beaucoup de mots : la carafe de ses versés, l'éponge, le verre, le plateau... Le vocabulaire est limité, il fait partie de toutes manières de son quotidien, souvent il le connaissait avant même la présentation de l'activité.
En entrant dans la vie sensorielle, voilà qu'il utilise des objets nouveaux qui vont être autant d'outils pour mieux habiter son corps. Apprivoiser le toucher avec le matériel rugueux, parfaire sa vision avec le matériel des couleurs, visiter les sensations olfactives des flacons à sentir...

Montessori en famille, vie sensorielle

Autant d'outils dont l'intérêt restera limité si la connaissance n'est pas "verrouillée" par le langage.
À quoi bon apprendre à mettre en paire des plaquettes de couleur si on ne peut nommer la dite couleur d'abord pour soi, parce qu'en nommant, on différencie, on pose deux mots sur la différence, puis pour se faire comprendre, avoir un code commun avec son entourage pour pouvoir être clair pour tous lorsqu'on souhaite parler par exemple du rouge?
La leçon en trois temps va permettre à l'enfant de nommer tout ce qu'il apprend de manière purement sensorielle. D'acquérir une précision de plus en plus grande dans le langage, puisque c'est cette même leçon qui va lui permettre d'apprendre les noms du bleu et du jaune, et de différencier l'ovoïde de l'ellipsoïde, à travers tout le rituel de cette leçon dont l'aboutissement est de nommer ces deux figures qu'il saura différencier bien avant leur donner deux noms distincts.

07 septembre 2007

Écrire ce que l'on a au dedans de soi...

Je n'ai plus rien écrit sur les avancées de Grand pois dans le langage écrit. Revenons donc à ce sur quoi je vous ai laissé la dernière fois : L'enfant, grâce au grand alphabet mobile devient capable d'écrire ce qu'il entend. Je te dis papa, tu entends p a p a , et tu peux poser les lettres p a p a pour écrire ce mot.
Il y a un moment merveilleux où, après qu'on lui ai donné l'accès au grand alphabet mobile, en s'appuyant sur l'alphabet rugueux et en montrant à l'enfant que les lettres de l'alphabet mobile se superposent parfaitement sur celle de l'alphabet rugueux, un merveilleux moment donc, où l'enfant va prendre conscience que tout ce qu'il a au dedans de lui même, tout ce qu'il peut produire comme langage, il peut l'écrire. Il va donc écrire ce qui a du sens pour lui, des prénoms, des choses qu'il a envie de faire, ou comme ma grande des bribes de chansons qu'elle aime.
Bien sur, il va écrire tout cela pour lui même, il ne s'agit pas encore d'écrire pour délivrer un message, faire passer une consigne, donc cette écriture comme intime est purement phonétique.


Ecriture spontanée


L'enfant est dans la jubilation, dans l'explosion de ce qui, de dedans, de pour soi, d'invisible, va pouvoir passer au visible, au concret, et bientôt au partageable par tous.
Et ce qu'il écrit spontanément, librement, pour le simple plaisir de mettre en symboles ce qui n'existait qu'en sons et en vécu va longtemps rester plus facile à écrire que ce qu'on va lui demander d'écrire "pour l'exercice".


Ecriture spontanée

03 septembre 2007

Une liberté qui grandit avec l'enfant

Certaines personnes trouvent la pédagogie Montessori très, voire trop stricte. Par certains aspects, il est vrai qu'elle repose sur une certaine rigueur : on manipule le matériel d'une certaine manière et on ne laisse pas l'enfant le détourner pour un usage pour lequel il n'a pas été prévu. L'enfant va chercher son activité et la replace tout seul là ou il l'a trouvé. Il n'y a qu'un seul exemplaire de chaque matériel, aussi il va attendre que le matériel avec lequel il souhaite travailler soit disponible pour pouvoir y accéder.

Et pourtant, parce que l'utilisation du matériel est cadrée, presque ritualisée, l'enfant va y trouver plus que le matériel, va apprendre plus que ce que donne à apprendre l'activité, je l'ai déjà dit plusieurs fois, il va apprendre la concentration, la répétition, la règle, la maitrise progressive et ... la liberté. Parce que une activité, dans un cadre Montessorien, est accessible pour l'enfant aussi souvent et aussi longtemps qu'il en a envie, qu'il peut y revenir quand il le souhaite, la délaisser, l'étudier... Et c'est là que l'enfant apprend la liberté, une liberté à sa mesure, petite, rassurante, limitée, une liberté qui grandi en même temps que lui.

Montessori en famille, vie sensorielle

Le dosage idéal, pour moi, entre un minimum de liberté, de lâcher prise indispensable et un univers quadrillé, entravé de régles, c'est arriver à laisser l'enfant faire ses découvertes tout en le guidant.

Quand on fait une présentation de matériel, en pédagogie Montessori, on fixe une manière de manipuler, derrière un matériel, il y a un but, un apprentissage. On laisse faire l'enfant, même s'il déborde de ce qu'il a vu en présentation, tant qu'il utilise le matériel dans le but prévu. Si l'enfant ouvre et ferme les boites du matériel "ouvrir les boites", je laisse faire quelle que soit la manière. Il y a une liberté même dans l'apparente rigueur de la manipulation.
Selon la personne qui guide l'enfant, il y aura des choses qui seront acceptées ou pas. Par exemple, si mes filles enferment les boites les unes dans les autres et les ressortent, c'est un peu limite mais moi je laisse faire, d'autres interviendraient. Par contre si elles les jettent, si elle font une tour ou un train avec, je vais sortir un matériel qu'elles puisse jeter, avec lequel elles puissent faire un train ou une tour (même si ce n'est plus du matériel Montessori) et je vais ranger les boites. L'enfant est libre de manipuler comme il le veut, dans le cadre de l'apprentissage pour lequel a été conçu le matériel.

Montessori en famill, vie sensorielle

Pour moi, un enfant qui détourne un matériel, soit est trop petit pour le manipuler, soit s'en est lassé et a besoin de passer à autre chose, soit est dans un besoin intense d'un type d'apprentissage et détournera tous les matériels qu'on lui présentera pour arriver à ses fins.

Pour en revenir à la notion de liberté, on lui donne une tout petite liberté à sa mesure, et dans laquelle on le laisse totalement libre. Ça n'a l'air de rien mais ou peut il trouver une pareille liberté que celle de choisir ce qu'il veut faire, de le faire au moment ou il a envie et aussi longtemps qu'il en ressent le besoin, aussi souvent aussi?
Où donne-t-on dans le quotidien quelque chose d'aussi simple et essentiel à un tout petit?

Cette liberté là me parait bien plus importante que celle, décidée par l'adulte, de laisser un l'enfant dans un espace, un environnement qui ne lui donne aucun repère où on le laisse faire ce qu'il veut sous couvert de liberté.

Laisser à un enfant une liberté plus grande que lui, plus grande que ses capacités, je pense que c'est le perdre. Ça me rappelle l'histoire de cet enfant à qui on avait préparé une chambre avec un grand matelas au milieu pour qu'il puisse dormir sans contrainte et que ses parents retrouvaient systématiquement "calé" dans un angle de la pièce le matin. Jusqu'au jour ou ils ont mis un matelas plus petit, bordé d'un gros traversin dans un coin de la chambre, sur les conseil d'un proche. L'enfant était dans son lit tous les matins. À vouloir le laisser trop libre, ses parents l'avaient privé de repères.

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